Interview réalisée par Manon ARCHER

Graines Sénégal

Le Groupe de Recherche Action sur les Initiatives Educatives et Sociales (GRAINES) est une association Sénégalaise à but non lucratif. Elle est créée en 2007 par des militantes et des militants du développement. Les acteures/acteurs sont au cœur des processus pour transformer elles/eux-mêmes leur situation en fonction de l’analyse de leur contexte et de leurs moyens. Cette ligne politique majeure se décline à travers la recherche action participative (RAP).

L’association promeut une vision du monde au sein duquel tous les êtres humains jouissent et expriment en toute dignité leurs droits sans aucune forme de discrimination.

Nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec Alassane Souleymane Faye, son fondateur. Enseignant de formation, il nous a présenté son association, ses valeurs et sa vision de l’éducation.

Il travaille d’abord en tant qu’enseignant d’histoire dans des quartiers défavorisés. De nombreux enfants vivent alors dans la rue, et une grande partie de la population est analphabète (Alassane nous indique que ceux-ci représentent la moitié de la population encore aujourd’hui).

Il ne fait plus son cours « pour eux » mais « avec eux »

Son déclic a lieu lors d’un cours d’histoire autour de la seconde guerre mondiale, où il décide de partir de ce que les apprenants souhaitent savoir autour de ce fait historique pour créer son cours. Il observe que cette méthode donne des résultats bien meilleurs, car il ne fait plus son cours « pour eux » mais « avec eux ».

Il s’intéresse alors à l’éducation alternative, et développe une troupe de « théatre patriotique » qui met en scène des faits sociaux qu’expérimentent les jeunes, et les publics défavorisés, inspirée des méthodes d’Augusto Boal et son « théatre de l’opprimé ».

Il crée ensuite sa propre méthode, qui part de la rencontre directe avec le public : une fois mis en confiance, l’idée est d’identifier les « problèmes » auquels ceux-ci font face. Le groupe en choisit ensuite un, puis cherche à en comprendre les racines, les causes. C’est à partir de ce prisme que découle la création d’un programme d’apprentissage (calcul, vocabulaire, etc) dont le but est de résoudre ces problèmes, généralement sur un temps d’environ 6 mois.

La démarche est entièrement co-créée, de l’élaboration à l’évaluation qui sera imaginée par le groupe lui-même.

« Chaque mot exprime une vision »

Il s’agit pour Alassane Souleymane Faye de complètement déconstruire la logique éducative traditionnelle française (dont est aujourd’hui inspiré le système éducatif sénégalais), en changeant également son vocabulaire.

Pour lui, « chaque mot exprime une vision » : il préfère ainsi le terme de facilitateur à celui d’animateur. Il s’oppose aussi à l’utilisation du mot « cible » ou « bénéficiaire » pour désigner les apprenants.

Le but pour GRAINES est que chacun s’approprie les outils que l’association met à disposition, afin de questionner ses croyances et visions du monde.

La vision de l’éducation populaire chez GRAINES, ce n’est pas d’aller à l’encontre de son public, mais de se mettre à son service : les outils proposés sont pensés pour s’adapter au vécu des personnes, et pour se confronter à leur pensée, pour créer des « secousses mentales ».

Le fondateur de GRAINES croit fermement en l’idée que « tout individu a besoin d’être valorisé » : si l’individu sait que ses préoccupations sont prises en compte, que celles-ci sont au centre du processus d’apprentissage, c’est la garantie du succès auprès du public.

La recherche-action : « L’Homme est toujours dans une situation de recherche »

Lorsque nous l’interrogeons sur ce qu’il entend par la « recherche-action », Alassane nous indique que ces groupes et populations détiennent en réalité déjà le savoir, car celui-ci est tiré de leur expérience.

Pour lui, « l’Homme est toujours dans une situation de recherche », dans le sens où nous cherchons toujours à résoudre des problèmes, et pour cela nous cherchons à en identifier les causes, pour ensuite les résoudre.

Sa démarche de recherche-action repose ainsi sur la facilitation de ce processus, cela en aidant les populations à identifier les problèmes auxquels elles font face, en identifiant les ressources nécessaires à leur résolution et les leviers de passage vers l’action.

Pour lui, la question de la participation des populations est politique, car « faire participer les gens, c’est une logique de perdre le pouvoir ».

Et aujourd’hui ?

L’association s’est aujourd’hui diversifiée, et travaille davantage sur les questions de droits humains, et de genre, notamment autour de la masculinité, en lien avec le réseau « Femmes du monde ».

Pour aller plus loin :

    • https://www.reseaurap.org/?p=1054
    • Éducation : alternatives africaines, ENDA Tiers monde en coédition avec NENA, 2016, 424p.
    • Théâtre de l’opprimé ; pratique du théâtre de l’opprimé. Augusto Boal, Paris, La Découverte / poche – Coffret 2 tomes – 2003.

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