Iris Ait Ouadda
« La musique symphonique est élitiste, mais pas comme vous le pensez, elle est élitiste pour tout le monde ».
Cette phrase, prononcée par l’héroïne du film, Zahia Ziouani, y résonne et propose une perspective intéressante : l’élitisme dépasse ici la question du genre, du milieu social et culturel, du lieu d’habitation, de l’âge et des origines. La musique symphonique pour l’héroïne c’est avant tout « puiser dans ses ressources et se dépasser ».
Ce film relate l’histoire d’une passion : la musique, d’un objectif : être cheffe d’orchestre, et tous les freins qui pavent le chemin d’une jeune élève de terminale dans cette poursuite. Et il s’agit bien là d’une poursuite. Les ambitions de Zahia suivent un rythme effréné, celui de son quotidien modelé autour de ses objectifs : acquérir de l’expérience, suivre des cours, en donner, passer des concours, diriger des orchestres, tout cela soutenue par un désir ardent d’être reconnue par ses pairs. Pour l’héroïne, la crédibilité de ses ambitions est intrinsèquement liée à sa réussite, chaque tournant devant être un succès. Cette pression ressentie par Zahia durant tout le film s’inscrit dans une immédiateté que l’on attribue à sa jeunesse, qui refuse tout arrêt ou détour dans la poursuite de son rêve.
« Vous n’êtes pas prête, votre tour viendra plus tard. »
« Quand ? … »
Or la jeunesse n’est pas le seul élément qui permette de comprendre la nécessité pour l’héroïne que chaque action entreprise soit un succès.
Divertimento est un film réalisé par Marie-Castille Mention-Schaar et inspiré d’une histoire vraie. Il retrace la naissance d’un orchestre symphonique éponyme dans la ville de Stains, crée par deux sœurs à l’image des deux mondes qu’elles fréquentent. Zahia et Fettouma sont deux artistes, musiciennes depuis l’enfance, qui entrent en terminale au lycée Racine (Paris, 8) après avoir grandi et fait leurs classes dans la ville de Stains en Seine Saint Denis. L’héroïne fait face, de la part de ses camarades, à des moqueries sur sa ville ; on lui fait comprendre qu’elle n’a pas les codes pour s’intégrer dans l’orchestre et par extension réussir dans ce milieu. Elle n’a pas de contacts dans ce microcosme où les grands noms font loi, enfin, dans le milieu scolaire comme professionnel, elle se heurte à une discrimination liée à son genre.
Dans le film, ces traitements et revers n’arrêtent à aucun moment la protagoniste. Ce qui l’arrête, c’est l’échec au concours de cheffe d’orchestre.
En effet, dans le film, à la question de la discrimination à laquelle font face les héroïnes, s’ajoute la question des enjeux de l’orientation professionnelle. De la peur parfois paralysante de l’échec à la pression d’être à la hauteur des valeurs et sacrifices de sa famille, l’héroïne traverse des périodes où ses angoisses freinent son avancée, davantage que les discriminations auxquelles elle fait face.
Chaque étape doit être une réussite car Zahia n’est jamais sûre d’avoir une seconde chance. Elle ne peut prétendre à son rêve que si elle réussit tout ce qu’elle entreprend. Les éléments qui la discriminent sont autant de présupposés de son échec aux yeux de ses pairs; si chaque succès maintient le statu quo, le moindre revers ébranle tout ce qu’elle a entreprit et réussit.
A un âge où tout échec peut facilement sembler être celui d’une vie, Zahia semble convaincue que si elle ne réussit pas maintenant les portes de son rêves lui seront définitivement fermées.
« Vous n’êtes pas prête, votre tour viendra plus tard. »
« Quand ? … »
Si le film porte ces questionnements, c’est également une œuvre qui célèbre la sororité, le vivre ensemble, un récit d’apprentissage dans lequel la musique unit, par son accessibilité comme par sa rigueur. Le film se clôt sur le succès de Divertimento, un orchestre à l’image de sa maestro. L’orchestre formé à Stains s’est ensuite produit dans le monde entier. Une école de musique éponyme accueille aujourd’hui 500 élèves chaque année et Zahia Ziouani compte parmi les 4% de femme cheffe d’orchestre en France.