Kaine Balsera

Le rap

Né aux États-Unis au milieu des années 70, ce style musical se popularise très largement au début des années 90 et posent des revendications politiques et sociales entre autres, sur le racisme, l’exclusion et la précarité.
Suprême NTM – Odeur de souffre « Pas de solution donnée, mon plafond reste ton plancher »
Le rap rencontre un succès fulgurant et donne une voix à une population jusque-là peu représentée et écoutée, celle des banlieues.
Kery James – Banlieusards « Regarde c’que deviennent nos petits frères
D’abord c’est l’échec scolaire, l’exclusion donc la colère / La violence et les civières, la prison ou le cimetière/On n’est pas condamnés à  l’échec / Pour nous c’est dur, mais ça ne doit pas devenir un prétexte »

En France, de nombreux artistes, devenus mythiques aujourd’hui ont posé les bases du rap français : de IAM, la Fonky Family, Suprême NTM, Lunatic…, Faire du Rap c’était porter une voix, une revendication , ou encore prendre position ; elle était la voix de ceux que l’on soumet au silence et/ou que l’on ne veut pas voir ni entendre. Il avait une vocation sociale, culturelle et identitaire forte. Il est également porteur de d’espoir d’émancipation.
Touche d’espoir – Assassin « qu’est-ce que tu veux qu’j’te dise, a part qu’il faut de l’amour; pour qu’on s’en sorte, d’la tolérance, moins d’ignorance, de l’humour…(…) »on représente l’espoir pour un Hip Hop positif, même dans la négativité, on restera positifs, c’est à dire créatifs, réceptifs, constructifs, face à l’adversité, combatifs, face au respect, à la reconnaissance, attentif…(…) j’m’inspire de toutes cultures, tout horizon social, toutes odeurs, toutes couleurs, toutes religions, toutes étoiles… »
Les rappeurs étaient utilisés comme des témoins de la vie dans les banlieues où se cumule précarité, chômage, violence, exclusion et racisme. La violence, sans être excusable, n’est que symbolique, voir rituelle et à prendre au second degré. Le Rap illustre les différences de classes, les difficultés du quotidien mais aussi l’envoie de sortir de cette situation.
IAM – Nés sous la meme étoile « La vie est belle, le destin s’en écarte, personne ne joue avec les mêmes cartes. Le berceau lève le voile, multiples sont les routes qu’il dévoile. Tant pis, on n’est pas nés sous la même étoile ».
Au milieu des années 2000, on constate que le rap français a bien évolué et s’est largement démocratisé avec des textes moins engagés et moins virulents. On parle alors de la « gentrification » du rap pour évoquer son embourgeoisement. Utilisé par la sociologue Ruth Glass pour parler de phénomènes urbains au Royaume-Uni dans les années 1960, ce mot provenant de l’anglais décrit l’appropriation d’une culture provenant de milieux ou d’habitants moins favorisés par des personnes plus aisées. Ce rap d’un nouveau genre aborde de nouveaux sujets et se découvre de nouvelles instrumentales.
Lomepal- Evidemment « Pourquoi j’serais différent des autres, mon seul don c’est vouloir être différent des autres, et pour ça j’ai la rage de vaincre, la rage d’être le meilleur sur la page de fin »

Le rap d’aujourd’hui est pluriel : de la vie en banlieue ou de la police, aux relations amoureuses, amicales, ou familiales, le RAP d’aujourd’hui parle au plus grand nombre… au risque pour certains de perdre son utilité sociale, culturelle et identitaire. Il n’en ai pourtant rien, il a simplement muté au service du plus grand nombre , chacun et chacun pouvant y trouver motif et repère d’identification.
L’émergence du Rap et de sa légendaire « école de la rue » a témoigné de l’ambition partagée de redonner à la rue et à la communauté, et de porter toute une génération de jeunes issus de banlieue en quête de reconnaissance et d’existence. En effet, beaucoup de rappeurs sont issus de milieux sociaux défavorisés et ne connaissent que trop bien les dangers de la rue et de la déscolarisation.
Médine – Lecteur aléatoire « Sais-tu vraiment ce qu’est le rap français ? Pas une machine à sous, mais une machine à penser »
L’Emancipation par la culture et la connaissances, est alors vécu comme une ressource pour s’extirper de sa condition sociale ou pour paraphraser l’une des formules les plus célèbres du rap français : « Le savoir est une arme ». Près de 130 références de cette phrases sont répertoriées et soulignent la volonté des rappeurs et des rappeuses à transmettre un savoir à partir de leur art.
Bettina Ghio, linguiste et auteure du livre « Sans faute de frappe » et docteure en littérature, rappelle en préambule que « Le savoir est une arme » est une « expression qui n’a pas vraiment d’origine, n’a pas été prononcée par un philosophe, un littéraire ou un homme politique mais fait simplement partie de la culture populaire ; « Ce n’est pas une expression savante, mais une expression qui définit ce que l’on souhaite transmettre avec le rap », un propos que l’on envisage comme l’outil d’une libération de la pensée, voire une véritable arme politique dans le cas des textes sociaux, engagés et opposés à un système dominant.

Sans faute de frappe

Livre de Bettina Ghio · 16 septembre 2016 (France) Essai
« Qui en France prétend connaître le rap ? Quel journaliste peut écrire sans faire de fautes de frappe ? » En 1991, NTM joue de ces interpellations pour s’en prendre à la critique facile d’un genre trop souvent dénigré. Ancré dans le champ musical depuis plus d’une trentaine d’années, le rap français, souvent réduit aux clichés, peine à trouver une pleine légitimité au sein de la culture hexagonale. S’éloignant des éternels débats, Sans fautes de frappe propose un éclairage sans précédent sur un corpus rapologique dont le goût pour la langue fait preuve d’une richesse de figures et de registres en écho à l’histoire de la littérature. Ainsi les noms de NTM, La Cliqua, IAM, Oxmo Puccino, Booba, La Rumeur ou de Casey bousculent ceux d’Edmond Rostand, Jules Vallès, Céline, Aimé Césaire, François Bon ou d’Annie Ernaux. Et le lecteur de découvrir un précieux aller-retour entre ces deux cultures.

L’échec scolaire et la déscolarisation sont d’ailleurs des thèmes qui apparaissent souvent et témoigne d’une volonté de s’approprier cette connaissance . Ce rap, né de la confrontation avec le système, fait pourtant son entrée progressive à l’école comme une musique qui parle aux élèves car il est en adéquation totale avec l’esprit de « rébellion » et d’émancipation des adolescents et adolescentes. De plus, en terme de psychologie, les détournements, jeux de mots, punchline et contorsions de la langue française (verlan et nouvelles expressions) dressent un mur avec le monde des adultes.
Fadah feat. Sentin’l – Carnet de lésions – « Paradoxe : sécher les cours alors que la soif de connaissance persiste. »
A ce titre, en 2012, la maison d’édition scolaire Nathan fait entrer le rappeur Médine dans un livre d’histoire de terminale ES pour son morceau « 17 octobre » dans un chapitre sur la guerre d’Algérie. En Seine-Saint-Denis, un professeur de mathématiques avait réalisé un clip de rap pour expliquer le théorème de Pythagore à ses collégiens. Enfin, les enseignants de Français sont de plus en plus nombreux à utiliser le rap dans leurs cours pour l’étude de la grammaire, des figures de styles, de la phonétique, des rimes, ou plus largement pour discuter des problèmes sociaux et culturels ; ou encore des vidéos pour retenir les verbes irréguliers en anglais.

Rap

Les travaux de Catherine Gendron, chercheuse en sociologie, ont également prouvé les effets « pédagogiques et didactiques » de la culture urbaine sur l‘éducation et promeut le rap est utilisé comme un vecteur d’apprentissage.
Le rap est l’une des musiques les plus écoutées par la jeunesse actuelle, et pas uniquement dans les banlieues aujourd’hui. En s’autoproclamant les représentants d’une population socialement exclue, les rappeurs véhiculent des messages qui séduisent un grand nombre d’adolescents au point de devenir des modèles identificatoires pour certains d’entre eux comme le démontre Catherine GENDRON. « Ils sont souvent décriés au motif qu’ils pousseraient les jeunes à la violence et on leur reproche souvent une très faible connaissance de la langue française. Or, il n’en est rien. Non seulement de nombreux rappeurs incitent les jeunes à s’instruire, mais leurs textes foisonnent de références à la littérature et à la poésie française » et constitue aujourd’hui une « ressource » pédagogique qui devrait de plus en plus prendre sa place à l’école. L’appartenance multiple comme condition de la construction des identités. L’exemple de la socialisation adolescente dans et par le rap français par Catherine Gendron

Aujourd’hui, le Rap continue d’avoir des détracteurs, mais avec patience et abnégation, il se creuse un sillon comme un art incontestable et un moyen de transmission et d’éducation indispensable à nos générations. Comme le disait Lam « La patience est arbre dont la racine est amère et le fruit doux ». Revoir un printemps